Ce Mercredi 14 Septembre, j’étais donc attablé devant un Bigmac au pain complet pour ma pause déjeuner de 18h, tout fier d’avoir réussi à taxer 2 sachets de sel surnuméraires dans ce McDonald’s de rapiats où tout est payant, même le sourire, qui serviraient à épicer les plats fades réchauffés et dégustés par l’amour de ma vie devant son bureau pendant que lui même se sustente aux alentours de la mi-jour, quand, trêve de digressions, mes yeux se sont posés sur la table face à la mienne, où je pouvais voir, langue tirée et mine appliquée pour bien appliquer sa mine de crayon dans des cases sans déborder, un (futur) manager entrain de remplir un classeur de formation (trop) bien connu.
Manager. Formation. McDonald’s. Et dans un de ces moments où la vie te montre toute l’ironie qu’elle sait déployer aux regards observateurs, je me rendis alors compte qu’aujourd’hui 14 septembre, c’était l’anniversaire de l’acceptation de ma lettre de démission par mon précédent employeur. Lettre que j’avais donnée accompagnée de cet exact même classeur. Et voila que je me suis mis à faire le bilan de ma vie depuis cette date.
Il y a donc un an et un jour, j’étais encore un sémillant Assistant de Direction (sans directeur…) surqualifié, enfermé dans un placard par un superviseur qui le détestait. Le placard a des avantages indéniables, comme par exemple, être l’employé le mieux payé mais n’ayant rien à faire d’autre que se faire hurler dessus pour des choses qui ne sont pas de son fait, faire le travail du non-directeur, se faire engueuler encore pour ce qui est raté (si peu), et ne pas se faire féliciter pour les choses qui fonctionnent (tout le reste). Devoir le faire en secret et en essayant de protéger un maximum ses collègues, ses employés, faire le bouclier entre la Franchise et le Restaurant… Et craquer. Autant psychologiquement que physiquement, et voir la maladie s’installer.
J’ai donc consacré la fin de ce mois à terminer la formation de mes managers (pour donner tout le crédit à un autre), la motivation de mes équipiers, l’engagement de mes formateurs. Et je suis parti. Sans savoir si j’allais vivre, ni de quoi, et je ne parle ni du comment ni du où et encore moins du combien de temps. Je remercie à nouveau tous les membres de cette foutue équipe qui me lisent encore de temps en temps sur Facebook, je n’oublie pas. Bon, vous vous m’oubliez, mais je ne vous en veux pas, je poste des trucs tellement géniaux sur une vie tellement formidable que je comprends que vous n’osiez pas commenter, hein. Je ne le prends PAS DU TOUT MAL.
Et c’est la grande aventure du monde qui débute. Un CDD sans possibilité de CDI, puis des places qui s’ouvrent, puis la compétition pour être pris. Je me suis attaché à devenir le meilleur sans écraser ceux qui m’entouraient durant la course, et je pense avoir réussi, puisque beaucoup de mes compagnons de contrats à durée limitée sont également ici dans mes amis Facebook. Je suspecte bien évidemment qu’ils me surveillent pour qu’à la moindre défaillance cardiaque ils sautent sur le poste, mais rien ne sera prouvé tant que je n’aurai pas fini de faire analyser ces chocolats suspects reçus le mois dernier, contenant d’après l’odeur soit de l’amande amère, soit du cyanure.
La transition de vie avait été presque complète. Changement de situation professionnelle, changement de lieu, changement de relations sociales… Toutes mes accroches à mon ancienne vie avaient cédé. TOUTES ? NON ! Une résistait encore et toujours à la pression de l’envahisseur… Mon couple. Enfin il avait déjà bien morflé durant l’été, pendant que je déprimait de mon travail alors que mon compagnon lui s’était fait sciemment licencié, reportant toute la pression salariale sur mes épaules. Purulé pendant son retour à la fac et aux sirènes de la vie étudiante. Moribondé pendant que la distance faisait le reste. Et mort peu de temps après. Resquiat in Pace. La potion magique, de toute façon, ça faisait longtemps que je l’avais classé au même rang que l’homéopathie.
J’ai raté beaucoup de choses dans ma vie. J’ai fais des choix souvent déplorables dans mes relations intimes. J’ai arrêté l’enseignement trop tôt par rapport à ce que j’aurais aimé. J’ai fui, partout, souvent, abandonnant tout sur mon passage. Mais à trente ans, il faudrait se stabiliser. C’est un défi, de ne pas renouveler les mêmes erreurs.
Donc me voici avec une nouvelle vie, fraîche à tout point de vue. Et j’en ai fait quoi ?
- J’ai réussi à créer des relations amicales neuves, chose qui m’est plus difficile que ce que les gens pensent en me voyant. J’ai découvert la place d’Italie et certains de ses restaurants. Si je n’ai pas assez de contact avec mes amis carcassonnais, ce n’est que parce que je manque de temps et que je suis sans doute un gros con, et pas parce qu’ils ne me manquent pas.
- J’ai des collègues que j’adore dans un bon boulot pour lequel j’ai obtenu une promotion, et des évaluations dithyrambiques. Cela change de mon ancien employeur qui devait se forcer à me féliciter devant les grands pontes du siège pour mes résultats excellents, ou justifier par le hasard le niveau des employés formés par moi plutôt que par d’autres, mais qui en privé ou devant mes équipiers me traitaient comme une sous-merde incapable.
- Ma santé va mieux, globalement, et mon médecin est confiant que mes dernières prises de médicaments devraient finir de me faire aller bien. Reste une ou deux injections intramusculaires qu’il déclare nécessaires, admettons.
- Ma vie amoureuse est formidable. Je ne vais pas entrer dans les détails, je saoule déjà tout le monde avec. Je l’aime de plus en plus, et cela est bel et bien. Au fur et à mesure, il m’aide à éliminer la fatigue de ma vie, celle exposée dans un article précédent.
Alors, voila, je terminais la dernière bouchée de mes frites, arrosées d’un Iced Tea à 3° bien rafraîchissant. J’ai vu les grosses gouttes de sueur du manager devant son classeur, son examen, son avenir. Je me suis revu à la même place, et j’ai vu le chemin parcouru. 4 ans (10 ans d’expérience ?) pour gérer un restaurant. Et depuis ? Un an.
En un an, je suis passé d’un boulot de merde, un couple bancal, une santé défaillante et un état psychologique fragile à un monde chamarré d’un boulot ou je m’amuse autant que je suis reconnu, d’une histoire d’amour digne d’une comédie romantique avec Meg Ryan (alors même que je suis toujours difficile à vivre, il semble s’en accommoder, je croise les doigts), en bonne santé dans un appartement que j’aime.
La vie est belle. Ma vie est belle. J’aime ce que je suis devenu (en gros), et où je suis arrivé. Je viens de quitter mes 29 ans, pleurant sur mon sort et me disant que mon entrée dans la vie mature allait se faire alors que tout était chaotique autour de moi, et j’arrive à 30 ans avec ma vie sur des rails dorés se dirigeant vers le parc d’attraction de la vie qu’on rêve.
Mes objectifs ? Retrouver ma silhouette d’antan. Gagner un peu plus d’argent pour faire un peu plus plaisir à ceux qui m’entourent. Ne perdre personne au passage. Donc direction la salle de sport, à nouveau. Et se désinscrire de celle de Carcassonne, au passage. J’ai pas grand chose à souhaiter de plus, si ?
CA C’EST DU BILAN.
Du coup, j’éviterai le bilan de l’année prochaine ; S’il est le même ou meilleur, c’est de l’incitation au crime devant tant de bonheur, et s’il est moins bon, il ne sera alors qu’un retour sur terre d’un long état de grâce… Mais… CA LES VAUT.
(TU LES VAUX) (oui, ça ne pouvait pas finir autrement)